• Orthomythe n°1 : le travail des silhouettes de mots

    Suite à mon article sur les neuromythes, j'ai décidé de commencer une série sur des orthomythes.

    Le premier donc je vais vous parler, c'est le travail de la silhouette de mots. Il y a de nombreux matériels en orthophonie (que je ne citerai pas) qui propose un tel travail, censé améliorer la reconnaissance globale des mots. Je l'ai fait aussi, d'ailleurs, il y a quelques années. Et puis, j'ai eu une révélation en lisant le livre de Ludovic Ferrand intitulé Cognition et lecture. Je vais tenter de vous expliquer tout cela avec des appuis que j'ai trouvés sur le Net (je n'ai plus ce livre, je l'avais emprunté quand je travaillais à l'hôpital).

    Orthomythe n°1 : le travail des silhouettes de mots

     

    Lorsqu'on travaille la conscience phonologique pour améliorer la lecture et/ou l'orthographe, on sait que c'est bien car :

    - des études ont montré qu'il y avait un lien robuste entre ces habiletés.

    - des études ont montré que si on travaillait la conscience phonologique (sous certaines conditions, dont j'ai déjà parlé ici), alors on peut améliorer la lecture, et plus encore l'orthographe.

    Pour le travail sur la silhouette globale des mots, on devrait suivre le même raisonnement.

    1/ Trouver des études qui montrent un lien entre la facilité à décoder des silhouettes de mots et l'expertise en lecture, par exemple. 2/ Si cela est avéré, alors, on pourrait lancer des études qui proposeraient des entraînements. Et c'est déjà le numéro 1 qui blesse... C'est ce que j'avais lu dans ce fameux bouquin.

    Pour vous illustrer cela, une dia piquée dans une présentation que vous pouvez trouvez .

    Orthomythe n°1 : le travail des silhouettes de mots

    Dans l'expérience de Paap et al. on demandait aux sujets de détecter les erreurs. On s'aperçoit par le taux d'omissions d'erreurs que c'est la similarité de la lettre avec la lettre substituée qui fait faire des erreurs aux sujets. Si c'était la forme globale du mot, on aurait le même taux d'erreurs que la lettre soit similaire ou pas (ce qui n'est pas le cas) et un taux d'erreur différent que la forme soit conservée ou pas (ce qui n'est pas le cas non plus). J'ai retrouvé la partie du livre de Ludovic Ferrand qui m'avait intéressée, qui parle de cette expérience et d'autres, d'ailleurs, qui montrent la même chose. C'est .

    Et voilà, pas la peine de continuer, dans nos recherches, rien ne montre que l'on se serve de la silhouette globale des mots pour lire. Mais pourquoi ? Pour cela, il faut retourner dans l'excellent livre de S. Dehaene, les neurones de la lecture (fiche de lecture sur mon blog). Je le cite : "notre système visuel ne prête aucun attention au contour du mot ni aux lettres montantes ou descendantes : il ne s'intéresse qu'à la reconnaissance invariante de la suite de lettres". "Le système visuel du lecteur convergera vers la même représentation abstraite, l'essence même de la suite de lettres [...] indépendant même de leur forme particulière". Le système visuel reconnaitrait les lettres en se servant des traits distinctifs des lettres, qui conduirait aux lettres, puis aux mots, en passant par les graphèmes et les morphèmes (schématiquement). Pour en savoir plus, je vous invite à lire (ou relire) le livre de S. Dehaene, indispensable selon moi si on rééduque les troubles du langage écrit.

    En bref, donc, pas la peine d'entraîner les enfants aux formes globales des mots. D'ailleurs, les programmes d'entraînement basés sur des recherches récentes (comme Coreva) ne propose pas ce genre d'exercice (je le sais, j'ai épluché l'ensemble des fiches proposées par ce matériel).

     

    Utilisiez-vous les silhouettes des mots ? Allez-vous changer votre pratique ? Ou alors, avez-vous des arguments imparables pour me convaincre ?

     

    C'est la première fois que vous venez sur le blog ? Un document pour vous aider à voir ce que vous pouvez y trouver dans ce billet.

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  • Commentaires

    1
    Zabeille
    Mercredi 6 Avril 2016 à 14:59

    Pour ma part, j'utilise plutôt les silhouettes de mots pour le versant transcription, un peu comme de la gestion mentale, les enfants se rappellent par exemple que le mot "loup" se terminait par une forme qui allait vers le bas et peuvent alors récupérer la lettre "p".

      • Dimanche 10 Avril 2016 à 10:23

        Zabeille, ici, je ne parle effectivement que de la lecture. Pour la transcription, vous utilisez plus un moyen mnémotechnique qui peut aussi s'ancrer dans l'écriture (au sens graphomoteur du terme) qui semble jouer un rôle dans l'acquisition du lexique orthographique de sortie. Donc, pourquoi pas ? Je chercherai à l'occasion s'il y a des écrits à ce sujet.

    2
    Jeudi 7 Avril 2016 à 09:05

    Je ne le fais pas!

    Enfin si quelques fois sur LE.com parce que mes patients veulent absolument!
    Ils adorent ce truc ici...Peut-être parce qu'en général ça ne leur pose pas de problème?!


    Bon autrement, je dois refaire des lectures en LE... j'ai "Les neurones de la lecture" depuis des années. Je pense que je vais m'y plonger!
    Je n'arrive pas à écouter la conférence, je décroche au niveau attentionnel! ^^

      • Dimanche 10 Avril 2016 à 10:23

        Oh oui ! Fais nous une jolie carte mentale sur les neurones de la lecture !

    3
    Val
    Jeudi 7 Avril 2016 à 10:52

    Je ne le fais pas non plus.

    Par contre, je m'interroge.

    Le système visuel du lecteur convergera vers la même représentation abstraite, l'essence même de la suite de lettres [...] indépendant même de leur forme particulière

    Est-ce compatible avec cette habilité du cerveau qui consiste à savoir lire un texte dont les mots ont été modifiés de telle sorte que seules les premières et dernières lettres sont correctement placées, les autre étant mélangées? De même que cet autre exemple où le cerveau s’accommode très vite de la transformation d'une lettre par un autre symbole dans les mots.

    Et Ju, tu peux écouter la conférence dans la voiture, ça marche pas mal :-)

     

     

    4
    Dimanche 10 Avril 2016 à 10:39

    J'ai déjà tenté dans la voiture mais mes trajets sont trop courts... et quand ils sont longs... les personnes avec moi ne veulent pas ça! no

    5
    Sandra
    Jeudi 14 Avril 2016 à 09:24

    Super article, vivement de nouveaux orthomythes!!!

      • Vendredi 15 Avril 2016 à 18:13

        Merci ! Aurais-tu des interrogations particulières ?

    6
    Sandra
    Jeudi 21 Avril 2016 à 15:38

    Là comme ça, je n'ai pas d'idées!

    7
    Delphine
    Vendredi 9 Septembre 2016 à 13:56

    Merci pour cette mine d'informations précieuses!

    Ces derniers temps je n'ai pas travaillé sur la forme globale des mots mais cela faisait partie des recommandations pendant ma formation intiale... un peu dépassée!

     

    8
    Delphine
    Vendredi 9 Septembre 2016 à 13:58

    Fany, j'ai encore une question pour le travail avec les enfants dyslexiques-dysorthographiques:

    J'aimerais savoir si tu connais le programme "dybuster": mémoriser l'orthographe de mots isolés, en associant chaque lettre à une couleur et une note musicale, afin d'associer chaque mot à une suite à la fois colorée et mélodique. Qu'en penser? As-tu expérimenté?

    Merci d'avance pour ton avis!!

      • Vendredi 9 Septembre 2016 à 14:00

        Je ne connais pas du tout mais l'idée est intéressante et irait assez dans la tendance multisensorielle et utilisation de la musique pour améliorer le langage écrit.

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