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Syllabes orales/syllabes écrites
Combien de syllabes dans "âne" ?
Il y a deux réponses selon que l'on parle d'oral ou d'écrit.
J'avais apporté une réponse là, dans les commentaires.
A l'oral, la syllabe se définit par "combinaison de phonèmes dont le noyau est pratiquement toujours une voyelle, et qui constitue l'unité rythmique de la chaine parlée." pour le dictionnaire d'orthophonie (OrthoEditions). Pour le CNRTL, c'est "[une] voyelle ou [un] groupe de lettres qui se prononcent d'une seule émission de voix". Il y a donc une seule syllabe.
A l'écrit, si vous avez à découper ce mot pour changer de ligne (vous ne couperez pas "âne" parce que trop court mais vous couperiez "Caroline"), vous le feriez après a, donc il y a bien deux syllabes. Le dictionnaire d'orthophonie fait aussi cette différence dans sa définition : "à l'écrit, la correspondance avec le découpage oral n'est pas toujours réalisée."
La question du nombre de syllabes se pose en orthophonie quand on travaille sur la conscience syllabique.
Il y a des avantages et des inconvénients à chaque "mode" de comptage. Le comptage oral semble à privilégier puisqu'on est sur une tâche orale, le découpage syllabique écrit est arbitraire, il dépend de l'orthographe : ainsi, "peur" et "beurre" n'ont pas le même nombre de syllabes à l'écrit pour des raisons orthographiques mais à l'oral, il n'y en a qu'une dans les deux cas.
Mais la syllabation écrite a un intérêt lorsque les enfants sont proches de l'acquisition de la lecture (ou qu'ils sont en plein dedans), cela les sensibilise à leur déchiffrage non porteur de sens au départ quand ils vont lire "a....ne" et qu'ils ne sauront pas quel mot c'est, stade fréquent chez les enfants dysphasiques par exemple et même chose pour la transcription, qui est facilitée par une syllabation écrite. Lorsqu'on a beaucoup syllabé en syllabes écrites dans les exercices de conscience syllabique, cette étape est plus facile à franchir. On pourra me dire et c'est ce qu'on dit aux enfants : "dans la vraie vie, on ne dit pas â-ne", ce à quoi je réponds "oui, c'est vrai, sauf au début de la lecture..." On peut penser aussi que cela va inciter les enfants à parler comme ça, en hachant les syllabes. Parmi les enfants que j'ai suivis, dysphasiques, dyslexiques, sourds, je n'ai jamais entendu un enfant parler comme ça. Mais je suis curieuse de savoir si un de mes lecteurs en a déjà rencontrés.
Concrètement, comment je procède ?
D'abord, je fais attention aux mots présents dans l'exercice ou le jeu proposé. Si je ne veux pas me casser la tête ou que je n'ai pas besoin de ces satanées syllabes qui parfois en sont et parfois n'en sont pas, je les enlève. Si j'ai oublié de vérifier ou que je veux le travailler, si je suis avec un petit, j'accepte toutes ses propositions qu'il compte oral ou écrit (avec un petit, il y a peu de chances qu'il propose â-ne).
Si je veux que l'enfant commence à se sensibiliser à ces syllabes écrites, je lui propose ce découpage après qu'il m'a proposé le sien en lui disant que les deux sont possibles.
Le dernier problème, c'est si dans le même exercice, il y a "tiroir" et "armoire". 2 syllabes orales toujours mais pas le même nombre de syllabes écrites à cause du "e". J'évite de me mettre dans cette situation devant un enfant à qui je ne pourrai pas expliquer la différence pour qu'il la comprenne.
Et vous, comment faites -vous ? Cette question pose d'autres questions sur le rapport à la norme, notamment en terme de langue, qui est particulièrement intéressant dans notre pratique orthophonique.
Tags : syllabe, conscience phonologique, langage oral, langage ecrit, lecture, transcription, reeducation
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Commentaires
Si on parle d'un accent, surtout pas ! Et généralement, non car hors accent, ce que je disais dans l'article, je n'ai jamais entendu d'enfant parler ainsi.
Très bien, ça me conforte dans l'idée de partir des représentations de l'enfant. Merci beaucoup pour cet article et votre blog!
4christelleVendredi 5 Juin 2015 à 21:12Bonjour,
je travaille en sessad avec des enfants dysphasiques. Pour ma part, j'ai aussi tendance à accepter les propositions de découpage oral et écrit des enfants quand on est sur un exercice à l'oral. Mais comme l'agrément du sessad est à partir de 6 ans, j'essaie rapidement de les faire entrer dans la lecture et donc dans le découpage écrit. Je trouve que ça favorise aussi l'apparition des consonnes caduques souvent élidées. Je n'ai jamais non plus entendu un enfant dire "â-ne" mais par contre, je les entends le lire ainsi.
Ce qui m'interroge c'est qu'en travaillant sur le découpage syllabique pour l'opposition syllabique colorée ou si l'on travaille avec des logiciels comme dybuster orthographe, le découpage entre les syllabes écrites se fait toujours entre deux consonnes redondantes. Ainsi le découpage donne "met-tre" et là c'est super en terme de lecture mais aussi "gom-me" et là c'est plus compliqué. Il y a bien entendu moyen d'être sur de la syllabation orale dans le logiciel mais c'est un exercice sur l'écrit... Qu'en pensez-vous?
Christelle
J'utilise l'imprégnation syllabique, comme vous le savez surement si vous avez un peu navigué sur le blog. J'utilise donc le découpage de cette approche : donc "go-mme" et "met-tre" ;)
J'allais en parler justement, le matériel imprégnation syllabique nous "empêche" de travailler le découpage syllabique =, puisque le découpage est fait visuellement... D'ailleurs je n'ai jamais fait de découpage écrit, toujours que à l'oral.
D'ailleurs en ce moment, je travaille ça avec une louloute de 5 ans, fin de GSM, la métaphono pas top, suivi depuis longtemps car bon trouble phono et environnement très peu aidant (les deux parents sont des anciens d'IME, donc probable déficience intellectuelle, le frère aîné est DI...). Le découpage syllabique oral marche super bien, par contre... Pas la fusion... Donc on travaille la fusion à l'oral, d'abord fusion de deux syllabes, puis fusion de deux sons (au niveau du son, c'est plus dur). Et du coup, on s'est mises au rébus : très dur au début. La louloute trouvait bien les deux mots, était capable de les dire de manière très rapprochée (comme le mot-cible) mais ne les identifiait pas comme un seul mot, mais comme les deux différents du début... Gros travail d'écoute, d'analyse de sa parole, et là, elle commence à comprendre le truc... Pfiou !
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Je suis encore étudiante en logopédie, originaire de Toulouse. En arrivant en Belgique j'ai dû changer ma manière de syllaber oralement. En effet, pour moi "peur" et "beurre" ne sont pas des paires minimales car j'entends et prononce le "E" normalement muet. Lors de mes 1ères séances en stage, j'ai été étonné de voir que les enfants oubliaient souvent les "E" lors de la transcription, alors que c'était tout à fait normal étant donné que lorsqu'ils syllabaient oralement le mot ils ne prononçaient pas le "E" final. Avec mon accent j'ai (j'avais!) tendance à rajouter des "E" à chaque fin de mot à l'oral, "une po-mme", "une bou-le", et je ne savais donc pas comment expliquer et justifier la présence de "E" à l'écrit étant donné que moi je les "entendais" à l'oral. J'aimerais savoir si vous repreniez l'enfant lorsqu'il syllabe oralement? Par exemple s'il découpe le mot "pomme" en deux syllabes au lieu d'une, parce que c'est comme ça que lui l'entend et le prononce.